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Full text of "Fêtes et marches historiques en Belgique et dans le Nord de la France"

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MÉMOIRES 


DE LA 


SOCIÉTÉ DES SCIENCES, 
DE L'AGRICULTURE ET DES ARTS 
DE LILLE 


CINQUIÈME SÉRIE 


FASCICULE I 
FÊTES ET MARCHES HISTORIQUES EN BELGIQUE ET DANS LE NORD DE LA FRANCE 


Par Mer DEenaisxes. 


FÉTES 

MARCHES HISTORIQUES 
EN BELGIQUE 

ET DANS LE NORD DE LA FRANCE 


Me DEHAISNES, 


ARCHIVISTE HONORAIRE DU DÉPARTEMENT DU NORD. 


LILLE. 
IMPRIMERIE L. DANEL. 


1895. 


À Monsieur ÉuiLe BIGO-DANEL : 


Président de la Commission formée à Lille en 1892, 
pour célébrer le Centenaire de la levée du siège de cette ville 
par les Autrichiens. 


Monsieur , 


La dédicace de ces pages vous est due. 

C'est à l’occasion de la Marche historique de Lille qu'elles 
ont été écrites. Or, sans vous cette Marche historique n'aurait 
pu être organisée. Il a fullu votre expérience des hommes et 
des choses el votre inain aussi souple que ferme, pour mener 
& bonne fin cetle grande el difficile entreprise, pour faire 
sorlur de lerïre, en gnelque sorte, cel ünmense cortège, compre- 
nant sept grandes époques de l'histoire de Lille, qui a éyalé, 
sinon dépassé, ce qui avait élé fait précédemment en ce genie, 
non seulement dans notre ville, mais dans les Pays-Bas 
el en France. 

Tous ceux qui ont fait partie des comités formés à l’occasion 
du Centenaire et qui, de près ou de loin, ont pris part à 
Porganisalion du cortège, ont déclaré hautement qu’en ces 
céconstlances vous avez bien mérilé de Lille el de tout le 
nord de la France. Ce lémoiynage unanime de tous vos 
concitoyens, auquel s’est associée la reconnaissance de toute 


—2— 


une vaste région , sera l’un des honneurs de votre vie : il vaut 
les plus hautes distinctions honorifiques. 

_ Ayant été à même, mieux encore que beaucoup d’autres, 
d'apprécier l’élendue et l'importance des services que vous 
avez rendus, je me fais un devoir el un bonheur d'inscrire 
votre nom en têle de ces pages et de vous prier de vouloir 
bien agréer l'hommage de mon modeste travail. 


C. DEHAISNES. 


Lille, le 20 Septembre 1893. 


FÊTES 


ET MARCHES HISTORIQUES 


EN BELGIQUE 


ET DANS LE NORD DE LA FRANCE. 


Les anciennes provinces des Pays-Bas se sont fait remar- 
quer, depuis des siècles, par le nombre, la variété et la 
magnificence de leurs fêtes publiques. Les cérémonies reli- 
gieuses, les entrées des souverains, les festins princiers, les 
tournois, les concours poétiques, les centenaires de miracles, 
de sièges et de batailles, en un mot la plupart des grands 
événements de la vie religieuse, sociale et politique, ont été, 
dans cette contrée, l’occasion de cortèges, de pompes 
triomphales et d’un grand déploiement de luxe. L'histoire 
et la légende étaient souvent rappelées dans ces commé- 
morations du passé, et, pour leur donner plus d'éclat, on 
avait recours à d’habiles ouvriers, à de véritables artistes. Il 
serait possible de suivre le mouvement des idées et de l’art 
dans les Pays-Bas, en étudiant la nature et le caractère des 
fêtes publiques qui y ont été célébrées. 

Ce qui a donné à ces fêtes leur importance et leur richesse, 
c’est l'esprit de foi des habitants et leur amour pour leur 
église, leur cité et leurs traditions locales, c’est le luxe des 
comtes, des seigneurs et du clergé, c’est la richesse des 
bourgeois sans cesse accrue par l’industrie et le commerce, 


— À — 


c’est l’organisation puissante des corporations et des confré- 
ries, c’est le goût des artistes flamands pour la vérité et la 
couleur dans l’art et dans la décoration des monuments. 
Quelques écrivains ont dit que les Pays-Bas ont emprunté 
à l'Espagne les caractères qui ont distingué leurs fêtes; ces 
écrivains ne s'étaient pas rappelé que les Espagnols n’ont 
dominé en Flandre qu’à partir du commencement du 
X VI® siècle et que les fêtes dont nous parlons étaient déjà 
populaires, dans les Pays-Bas, longtemps auparavant. Nous 
prouverons cette assertion par des faits nombreux dans 
le cours de ce travail; nous nous contenterons de citer 
maintenant, à ce sujet, les vers d’un poèle artésien du 
XVE® siècle, Martin Lefranc : 

Va-t-en aux festes à Tournay. 

A celles d'Arras et de Lille, 

D'Amiens, de Douay, de Cambray, 


De Valenciennes et d'Abbeville ; 
Là verras-tu de gens dix mille ! 


Nous voudrions, dans les pages qui suivent, non pas 
reproduire les programmes et présenter la nomenclature 
des nombreux cortèges historiques, religieux et civils, qui 
ont été organisés depuis des siècles dans les anciennes 
provinces des Pays-Bas. Ce travail a été fait d’une manière 
assez étendue par M. le baron de Reinsberg-Düringsfeld 
dans ses lêles reliyieuses el ciriles des PBelyes anciens et 
nodernes (1), par M"° Clément Hemery dans ses #'éles civiles 
et religieuses du Nord de la France (2) et par M. Arthur 
Dinaux, en tête de l'ouvrage quia pour titre : Description des 
Fêtes populaires données à Valenciennes (3). Notre but est de 
présenter le tableau, pour chaque époque, de deux ou trois 
des principales cérémonies, avant un caractère historique et 
arüstique, qui ont été célébrées depuis le XI siècle dans 
les Pays-Bas, et de suivre ainsi, en ses grandes lisnes, le 


(1) Bruxelles, 14861. 2 vol. in-&. 
(2) Avesnes, 1846. 
(3) Lille, 1856. 


6 


mouvement qui s’y est opéré tout à la fois dans les idées, 
dans l'art et dans les fêtes publiques. 


[. 


DOUZIÈME ET TREIZIÈME SIÈCLES. 
LES PROCESSIONS DE PÉNITENCE ET LES FÊTES JOYEUSES. 


L'esprit profondément religieux des populations des Pays- 
Bas se manifesla surtout, du XI° au XIV®siècle, par des pro- 
cessions de pénitence ou d'actions de grâces instituées pour 
rappeler la cessation d’épidémies et de calamités publiques. 
À celle de Notre-Dame du Saint-Cordon, élablie l’an 1008 à 
Valenciennes, après que cette ville et sa banlieue eurent été 
niraculeusement délivrées de la peste, les membres de la 
confrérie des Royés, revêtus d’une robe à raies noires et 
tenant à la main une baguette blanche en souvenir du 
bâton blanc des lépreux et des pestiférés, étaient nu-pieds 
et nu-tête, lorsqu'ils portaient la chässe du Saint-Cordon à 
travers la ville, et il en était de même des innombrables 
fidèles qui suivaient, lorsqu'ils obtenaient l'honneur envié 
de soutenir un inslant le précieux fardeau durant la pro- 
cession qui se faisait dans la banlieue. Plus tard, il y eut 
une seconde confrérie, celle des Damoiseaux, formée de 
ge ntilshommes et de bourgeois notables qui portaient un 
riche costume avec un lis en perles el les mots : Ave Maria 
brodés sur la manche de leur robe, et avec une plaque 
d’argent doré sur leur manteau (1). 

A Tournai, dans la solennité établie en 1092, aussi à 
l’occasion de la cessation d’une maladie contagieuse, et qui 
se célébrait le 14 septembre, jour de l'Éxaltation de la 
Sainte-Croix, il y avait trois processions : l’une sortait de 


(1) A. JuLEN. Histoire et culte de Notre-Dame du Saint-Cordon; Valen- 
ciennes 18k6, pp. 23 et 32. 


—6— 


la cathédrale à minuit, ayant à sa tête un seul prèlre 
portant la croix et revêtu d’une aube et d’une étole, 
et faisait le tour de toute la ville, suivie d’une foule 
nombreuse de fidèles, nu-pieds et nu-tête, portant le 
costume des condamnés à mort, la chemise; la seconde 
procession, qui se mettail en marche à quatre heures du 
matin, était formée principalement d’une nombreuse dépu- 
tation de Gantoïs, tenant en main des présents, des ban- 
nières et des cierges allumés, en l’honneur des magnifiques 
châsses de Notre-Dame de Tournai, de saint Éleuthère et 
des Damoiseaux, qui, avec la statue de Notre-Dame des 
Malades, étaient portées par des habitants de la ville 
revêtus de riches costumes imités des temps anciens; à la 
troisième procession, qui commençait à sept heures du 
matin, assistait le clergé et se portait la relique de la 
Vraie Croix dans son antique reliquaire du X® siècle (1). 
L'une de ces processions de pénilence peut se voir encore 
aujourd’hui en toute sa pieuse et sévère simplicité: c’est 
celle qui est organisée tous les ans à Furnes, le dernier 
dimanche de juillet, en réparation d’un sacrilège, par 
une confrérie dont font partie la plupart des habitants de 
la ville etoù sont représentés un grand nombre de faits 
de l’Ancien et du Nouveau-Testament. Elle est formée de 
quarante groupes qui rappellent, tous, la pénitence et qui 
sont accompagnés de membres de la confrérie portant de 
longues cagoules noires ou grises, à trois ouvertures, l’une 
à la bouche et les deux autres aux yeux. Après la tête du 
cortège, où se trouve l’élendard de la confrérie, s’avancent, 


en sept groupes, les illustres pénitents de l’Ancien-Testa- 


ment, Abraham, David, les Prophètes et saint Jean- 
Baptiste ; les souffrances du Rédempteur depuis Bethléem 
jusqu’au Jardin des Oliviers, sont figurées par les neuf 
groupes suivants ; et du groupe dix-huitième au trente- 
huitième, c’est la Passion, le Crucifiement et la Déposition 


(4) Cousin. Histoire de Tournay; Douay, 1620. T. I, p. 130 et suiv. 


a — ————— 


nt 


de la Croix, qui sont représentés en des scènes touchantes, 
que termine un lugubre cortège formé du Tombeau du 
divin Crucifié porté sur un char autour duquel quatre 
disciples psalmodient le Miserere et qui est suivi de la Sainte 
Vierge, de saint Jean, des saintes Femmes et des apôtres 
en vêtements noirs. Le trente-neuvième groupe offre un 
char sur lequel est figurée l’Ascension et, par conséquent, 
la gloire el le bonheur après la souffrance , et le quarantième 
un grand nombre de membres de la confrérie revètus de la 
cagoule et portant d'énormes croix sous le poids desquelles 
plusieurs semblent près de succomber. Sans doute, l’histoire 
et l’art sont représentés très naïvement et avec des ana- 
chronismes dans cette procession formée de presque tous les 
habitants d’une petite ville; mais cette naïveté est tou- 
chante. Il faut avoir assisté au défilé de ce cortège s’avan- 
çant lentement, tristement, au milieu d’une foule, parfois 
émue jusqu'aux larmes , il faut avoir entendu les prières et 
les chants psalmodiés durant la marche ou les récits décla- 
més par des personnages faisant partie des groupes, pour 
se faire une idée de l’effet que les grandes processions de 
pénitence du XII° et du XII siècle devaient produire sur 
les pieuses populations qui les contemplaient. 

Mais en même temps qu’elles étaient pieuses, ces popu- 
lations flamandes du moyen-âge étaient simples et naïves et 
se plaisaient aux joyeusetés. C’est celte disposition d’esprit 
qui donna naissance aux fêtes semi-religieuses et semi- 
profanes des Innocents et des Fous. Encore aujourd'hui, dans 
diverses provinces des Pays-Bas, le Brabant, le Limbourg et 
la Flandre, le 28 décembre, jour de la fête des SS. Innocents, 
en des réunions de famille, on affuble d’un costume extra- 
ordinaire un jeune garçon ou une jeune fille et, sous le 
nom de papa ou de maman, on lui délègue l’autorité dans 
la maison pour toute la journée (1). Il en est de même, 
encore actuellement, dans un certain nombre de couvents, 


(1) De Renssera-DürinesreLo. Fêtes civiles et religieuses des Belges anciens 
et modernes; t. II (28 décembre). 


er 


où, en ce Jour, les jeunes religieuses et les sœurs converses 
sont servies par leurs supérieures à qui elles donnent des 
ordres. C’est une récréalion honnête, animée d’une douce 
gaité. [1 en était de même, au moyen-âge, dans les églises 
et Surtout dans les collégiales et les cathédrales. Nous en 
avons trouvé des preuves dans les archives de la cathédrale 
de Cambrai, de la collégiale Saint-Amé de Douai et de la 
collégiale Saint-Pierre de Lille (1). On affublait un enfant 
de chœur ou un jeune prêtre de vêtements pontificaux, 
d’une mitre et d’une crosse, et, suivi d’un cortèce, il allait 
par la ville, distribuant des bénédictions et jetant ces 
plombs des Innocents, qui sont aujourd’hui si recherchés par 
les numismates. L’historien Cousin rappelle dans son 
Histoire de Tournai qu’en 1498, les prévôts et jurés de 
la ville déclarèrent que « de toute anciennelé, le jour des 
» Innocens, les vicariots (petits vicaires) el jeunes bénéfi- 
» ciés chapellains de l’église Notre-Dame ont accoustumé 
» d’eslire un Evesque des Fols, sur un eschafaut devant le 
» grand portail de la dicte église, en faisant laquelle élec- 
» tion est parlé Joyeusement de l’estat des chanoines et 
» autres gens d'église. Et avec ledit Evesque ainsi esleu, 
» s’accompagnent plusieurs des jeunes fils de bourgeois et 
» manans de la dicte ville, font plusieurs joyeusetés sans 
» aucun scandal, pour resjouir le peuple à leurs despens 
» l’espace de dix ou douze jours, puis font un beau disner, 
» auquel plusieurs des chanoines comparent ; et y envoie 
» le chapitre pour présent pain et vin. N’y a aucune inso- 
» lence faicte. (2) » 

Sans doute, pendant longtemps, ces fêtes ne donnèrent 
pas lieu à de graves désordres ; tout se passait sans scan- 
dale, comme le disent les prévôts et les jurés de Tournai. 
Mais des abus pouvaient et devaient se glisser dans la célé- 
bration de ces cérémonies tout à la fois naïves et burlesques. 


(1) Documents concernant l'histoire de l'art dans la Flandre, l'Artois et 
le Hainaut, par CG. DEHAISNES, t. Il, p. 625 et 715, etc., etc. 
(2) Cousin. Histoire de Tournay, 1620, t. IT, p. 261. 


0.2 


Aussi le clergé, qui les avait tolérées, prononça leur inter- 
diction, ce qui ne put être obtenu que difficilement et malgré 
une vive opposition des populations qui prenaient plaisir à 
ces réjouissances devenues bouffonnes et satiriques (1). 

Les seigneurs etles princes aimaient aussi les joyeusetés. 
Nous ferons connaitre ce qui leur plaisait sous ce rap- 
port, en décrivant la galerie du château d’'Hesdin, dans 
laquelle les comtes d’Artois et les düûcs de Bourgogne, leurs 
successeurs, donnaient souvent des fêtes à la noblesse et 
aux bourgeois de leurs villes et domaines. Cette galerie 
était richement décorée de peintures murales historiées et 
de sujets sculptés, statues, lions et fontaines, resplendis- 
sant de l’éclat de l’or, de l'argent et de brillantes couleurs. 
D’ingénieuses machines et des conduits souterrains y pro- 
duisaient des surprises et des mésaventures à ceux que l’on 
y introduisait. | 

En entrant, ils passaient entre deux engins très rappro- 
chés, dont l’un les noircissail et l’autre les blanchissait, s'ils 
y touchaient. Dans la galerie même, il y avait un ermite en 
bois qui répondait aux questions qu’on lui adressait et un 
autre qui faisait luire des éclairs et tomber la foudre, la 
pluie et la neige, « comme si on le veoit au ciel ». Aïlleurs, 
c’était un pont sur lequel il était presque impossible de 
passer sans choir dans l’eau. Plus loin, à chaque pas que 
les visiteurs faisaient sur les dalles de la galerie, ils voyaient 
Jaillir des sources d’eau qui les mouillaient, et lorsqu'ils 
montaient en un endroit plus élevé pour échapper à cette 
inondation, ils étaient enveloppés dans des sacs qui les 
couvralent de plumes et d’une sorte de poussière noire. On 
présentait un miroir à ceux qui avaient été noircis, et à 
l'instant même ils étaient saupoudrés d’une farine blanche. 
Ïl y avait, dans la salle, un arbre peint au naturel, avec 
une multitude d’oiseaux peints aussi, qui, à un moment 

donné, lançaient de leur bec de véritables jets d’eau ; vers 


(1) DE REINSBERG-DÜRINGSFELD. Op. et loc. cit. 


—40 = 


l'extrémité, s’élevait une statue en bois qui sonnait de la 
trompette et mandait, de par monseigneur, de quitter 
immédiatement la galerie, et ceux qui ne partaient point 
en toute hâte étaient menacés par des fous ou des folles en 
bois et étaient précipités dans l’eau en passant sur un pont. 
Ces surprises n'étaient point, comme on vient de le voir, 
très spirituelles ; mais les peintures, les sculptures, les 
statues et les divers engins avaient été exécutés et étaient 
soigneusement entretenus par des maîtres de valeur, au 
nombre desquels nous pouvons citer Melchior Broederlam, 
le célèbre peintre d’Ypres, et l’habile Colard Le Voleur, 
ainsi que les de Boulogne. famille d’artistes qui, durant 
cinq ou six générations, a été chargée de ces peintures et 
de ces machines. [art entrait donc, pour une part impor- 
tante, dans la décoration de la galerie des fêtes où se 


trouvait ce qu’on appelait les Merveilles du château 
d’Hesdin. (1) 


IL. 


QUATORZIÈME ET QUINZIÈME SIÈCLES. — FÈTES ET TOURNOIS DONNES 
PAR LES BOURGEOIS, LES SEIGNEURS ET LES PRINCES. 


Personne n’ignore que les plus brillants spectacles du 
XIV et du XV° siècles ont été les tournois et les passes 
d'armes, fètes chevaleresques et guerrières qui étaient 
l’occasion d’un grand déploiement de luxe et dans lesquelles 
l’art et les souvenirs légendaires ou historiques étaient sou- 
vent rappelés. Mais ce que l’histoire a négligé d'enregistrer, 
c’est que, au moins dans les Pays-Bas, les riches bourgeois, 
qui portaient le titre de snéliles burgenses et qui devenaient 
chevaliers bannerets sans perdre leur titre de bourgeois, 


(4) DEHAISxES. Histoire de l'art dans la Flandre, l'Artois et le Hainaut 
avant le XVe siècle. Lille 1886, p. 429. 


UT 


organisaient, comme les seigneurs, des fêtes historiques 
et des tournois. 

En juillet 1334, le bourgeois Jean Bernier, prévôt de 
Valenciennes, engagea le peuple de cette ville, à établir 
des jeux ou représentations, dans lesquelles figureraient les 
compagnies de chacune des rues, en promettant de donner 
un paon à ceux qui obtiendraient le prix. « Ceux de la : 
rue del Sauch, » rapporte d’Oultreman dans son Æisioire de 
Valenciennes, l’emportèrent. Ils vinrent « quelque vingt- 
deux hommes, représentant les Preux chevaliers du roy 
Alixandre le grand, avec autant de damoiselles, tous revestus 
d’escarlatte fourrée d’hermines. Et chaque bande et ruage, 
outre l’équippage d’habits, chiffres, devises et livrées, 
trainoit un chariot de triomphe ou quelque autre machine 
de celles que les anciens appellent automates, qui rouloient 
par des secrets ressorts et enfantoient des choses mysté- 
rieuses et pleines d’esprit (1) ». Aïnsi, voilà, dès 1334, 
dans chaque rue de Valenciennes, un cortège avec des chars 
et des machines à ressorts invisibles, avec des groupes de 
personnages, dont l’un représente Alexandre et ses Preux, 
souvenir de l’un des grands cycles poétiques du moyen-âge. 

Le même bourgeois Jean Bernier était allé en 1332 « à 
Ja feste de la Table ronde à Paris avec très grande et très 
belle suite », et en juin 1331 1l avait lutté au grand tournoi 
des Trente et un Rois, ouvert à Tournai (2). 

Trente et un bourgeois de cette dernière ville, grands 
amis des fêtes, avaient formé une association dans laquelle, 
s'inspirant des romans du moyen-âge, chacun d’eux prenait 
le nom d’un roi de ces romans; leur chef s'appelait 
Gallehot, le roi des rois, nom d’un illustre chevalier qui 
avait vaincu trente rois. 

Pour le tournoi de 1331, le champ de joûte avait été établi 


(4) HENRI D'OULTREMAN. Histoire de la ville et comté de Valentiennes; 
Douay, Marc Wyon, 1639, p. 3%, 


(2) Id. 1. 


— 142 — 


sur la place de la ville: et tout autour s’élevaient des 
gradins pour la foule, avec des galeries pour les dames, 
dont les plus nobles, les plus belles et les plus richement 
parées furent, à leur entrée, acclamées par les tenants du 
tournoi et par tout le peuple. Les Trente et un Rois rom- 
pirent d’abord des lances en l'honneur des dames. Puis, 
firent successivement leur entrée solennelle cent seize 
Joûteurs bourgeois, à cheval et richement costumés : ceux 
de Valenciennes, au nombre de onze avec quatre bannières 
et quatre manants:; ceux de Paris, au nombre de dix avec 
quatre bannières; ceux de Senlis, au nombre de trois: 
ceux de Reims, au nombre de huit avec trois bannières ; 
ceux de Saint-Quentin, au nombre de neuf avec deux 
bannières ; ceux d'Amiens et ceux de Saint-Omer avec 
chacun sept bannières ; ceux de Compiègne, au nombre de 
sept avec trois bannières ; ceux d'Arras, précédés des armes 
de la ville ; ceux de Bruges, avec le Forestier de Flandre ; 
ceux d’Ypres au nombre de six avec cinq bannières ; ceux 
de Lille, au nombre de dix-huit avec onze bannières et le 
roi de l’Épinette ; ceux de Doullens, d’Ardembourg et de 
Lécluse, chacun un joûteur. Il y eut, en outre, quatre-vingts 
gentilshommes venus des divers points des provinces et de 
la région. À son arrivée, chacune des troupes de joûteurs 
fut saluée par lies acclamations de la foule. Les passes 
d’armes et les luttes furent nombreuses. Les joûtes les plus 
applaudies furent: celle du bourgeois Jean Bernier de 
Valenciennes, avec Gallehot, le roi des rois, dont on admira 
la grâce et la force et qui fut en très grand péril; celle de 
Hue Le Largie, de Reims, et de Jean Wettin, roi de Cor- 
nouailles, qui deux fois se désarçonnèrent l'un l’autre en 
mème temps; celle de Jean Lescrivent, de (Compiègne, et 
du roi Jacques Mouton, dont les chevaux furent tués ; celle 
de François Belle, d’Ypres, qui renversa son adversaire sur 
l’arène et le releva avec beaucoup de courtoisie. La plus 
remarquable de ces joùtes fut celle de Jacques Bourgeois, 
qui, arrivé la nuit précédente, à minuit, de Saint-Jacques 


— 13 — 


en Galice, se présenta dans l’arène durant la journée pour 
lutter contre Jean de Sottenghien, l’un des rois et tenants 
du tournoi: leur combat dura une demi-heure; ils rompi- 
rent chacun douze lances sans être désarçonnés et ils firent 
des passes si merveilleuses, que les spectateurs ne cessaient 
de les applaudir. Tous deux eurent le prix ; Jacques Bour- 
geols, celui du dehors, un superbe cheval, et Jacques de 
Sotitenghien, celui du dedans, un vautour (1). 

Les fêtes et les joûtes dal’Épinette qui avaient lieu chaque 
année à Lille étaient aussi somptueuses que celles des 
Trente et un Rois de Tournai et elles permettent mieux 
encore de prouver que les tournois, ouverts par la bour- 
geoisie des grandes villes des Pays-Bas, n'étaient point 
inférieurs à ceux de la noblesse. | 

Mais il y avait des solennités qui étaient bien plus riches 
et bien plus brillantes, c’étaient celles que célébraïient les 
ducs de Bourgogne, ces grands vassaux dont la puissance 
et la richesse tenaient en échec les rois de France et d’An- 
gleterre et les empereurs d'Allemagne. L’une des plus 
magnifiques fut celle du Repas du F'aisan, donné à Lille, 
le 17 février 1454 par le duc Philippe-le-Bon, dans son 
palais de la Salle. Après un tournoi dans lequel Charles, 
comte de Charolais et fils du duc, remporta le prix qui 
était un cygne d’or attaché à une chaîne de même métal 
se terminant par un rubis, le duc, portant sur son costume 
noir et gris des joyaux et des pierreries que les chroni- 
queurs de l’époque évaluent au prix de plus d’un million 
d'écus d’or, entra dans la salle du festin, suivi de princes, 
de chevaliers, de seigneurs, de hauts dignitaires et de nobles 
dames, richement vêtus et parés. La salle était décorée de 
peintures et de vitraux, exécutés pour la circonstance, et 
de tapisseries flamandes: trois tables y étaient dressées, 
resplendissant de l’éclat de l'or, de l'argent, du cristal et 
des pierres précieuses de la vaisselle. Ce qui faisait prin- 


(4) PourTRaix. Histoire de Tournai, T. 1, p. 222. 


di 


cipalement l’ornementation de ces tables c’étaient leurs 
merveilleux et gigantesques surtouts, peints avec la plus 
grande richesse et formés à l’aide de mécanismes ingénieux : 
« une église croisée, verrée et faicte de gente façon où il 
» y avoit une cloche sonnante et quatre chantres; une 
» caraque ancrée, garnie de toute marchandise et de per- 
» sonnages de mariniers; un chasteau à la façon de Lusi- 
» gnan, et sur ce chasteau au plus haut de la maistresse 
» tour estoit Mélusine en forme ge serpente; un lac envi- 
» ronné de plusieurs viles et chasteaux, auquel lac avoit 
» une nef à voile levée, toujours vagant par l'eaue du lac, 
» par soy; et la seconde table, qui estoit la plus longue, 
» avoit un pasté, dedans lequel avoit vingt-huit person- 
» nages vifs, jouant de divers instrumens, chascun quand 
» leur tour venoit{l) ». A diverses reprises pendant le 
repas, les personnages figurant dans ces surtouts et 
d’autres qu’il serait trop long de mentionner, s’agitèrent, 
Jouèrent de leurs instruments et représentèrent diverses 
scènes. Les plats {et 1ls étaient nombreux puisque dans un 
seul service il y eut quarante-huit mets) étaient amenés sur 
vingt chariots à roues et à tourelles peints en or et azur. 

Après le repas. un rideau s’ouvrit et laissa voir un 
théâtre, sur lequel divers personnages, porlant des cos- 
tumes grecs et orientaux, représentèrent l’histoire de Jason 
et de la conquête de la Toison d’or, où l’on vît apparaître 
des dragons et des taureaux jetant des flammes. Ensuite, 


un géant, dépassant d’un pied les hommes de haute stature, 


vêtu d’une longue robe de soie verte, s’avança dans la salle 
conduisant un éléphant, sur lequel était montée une femme 
portant une robe en satin blanc et un manteau noir, qui 
représentait la Religion. Celle-ci rappela, dans une longue 
complainte, les souffrances des chrétientés de la Terre- 
Sainte et de l'Orient. Et c’est alors que Philippe-le-Bon, 
faisant connaître le motif du banquet, jura, sur un faisan 


(4) Mémoires de Messire Olivier de la Marche ; Lyon, 1562, p. 277 et 278. 


— 45 — 


portant un collier d’or et de pierreries, qu’il prendrait la 
Croix pour marcher contre les infidèles, et tous les che- 
valiers firent le même serment (1). La chronique d'Olivier 
de la Marche offre, au sujet de ce banquet, vingt pages 
in-folio, remplies des descriptions les plus curieuses. Mais 
c'est dans les comptes de la Recette générale du duc de 
Bourgogne, conservés aux archives départementales de 
Lille, qu’il est possible d'apprécier la part importante que 
l’art a eue dans cette solennité. Quarante-deux peintres, 
parmi lesquels plusieurs, tels que Jacques Daret, Henne- 
quin de Bordeaux, Simon Marmion et Claux de Hollande 
étaient des hommes de talent, avaient été mandés de 
Bruges, d’Audenarde, de Tournai, d'Arras et d'Amiens 
pour peinire la salle, les surtouts des tables et les motifs * 
de décoration. Divers sculpteurs et verriers apportèrent 
aussi leur concours à ces fêtes (2). 

Dans le même ordre d'idées nous pourrions rappeler les 
fèles plus splendides encore, célébrées à Bruges en juillet 
1468, à l’occasion du mariage du duc de Bourgogne, 
Charles-le-Téméraire, avec Marguerite d’York, sœur du 
roi d'Angleterre. Plus de cent peintres, parmi lesquels 
Hugo Van der Goes, y furent mandés des diverses pro- 
vinces des Pays-Bas, ce qui montre assez le caractère artis- 
tique de cette cérémonie. 

Nous nous contenterons de rapporter un épisode, qui 
peut donner une idée de l'intérêt que présentaient les 
tournois qui y furent ouvérts durant plusieurs jours. 

Le grand bâtard de Bourgogne fut le tenant de l’une des 
joûtes : il avait emprunté, à un roman de chevalerie, le rôle 
et le nom de chevalier de l’Arbre d’or. Dès le matin, son 
poursuivant d'armes, en livrée de l’Arbre d’or, avait remis 
au ducunelettre de la part de la princesse de l’Ile Inconnue, 
dans laquelle elle promettait ses bonnes grâces au chevalier 


(1) Aemoires de Messire Olivier de la Marche ; Lyon, 1562, p. 277 et 278. 
(2) Archives départementales du Nord. Chambre des Comptes. B. 2017. 


— 16 — 


qui pourrait délivrer le géant enchaîné sous la garde d’un 
nain. Et l’on voyait en effet, en face de la tribune des 
dames, un arbre doré au pied duquel était debout un géant 
portant une robe d’or, qui était entouré d’une chaîne tenue 
par un nain, vêtu mi-partie de blanc et mi-partie de 
cramoisi. Bientôt, on frappa à la porte de la lice: c'était 
Ravenstein, héraut de M. de Ravenstein. « Noble officier 
d'armes, que demandez-vous, dit Arbre d'orle poursuivant ?» 
— [Le héraut Ravenstein répondit: « À cette porte est 
arrivé haut et puissant seigneur, messire Adolphe de 


Clèves, seigneur de Ravenstein, pour accomplir l’aventure 


de l’Arbre d’or: je vous présente le blason de ses armes et 
vous prie qu'ouverture lui soit faite et qu'il soit reçu. » 

Le poursuivant Arbre d’or s’agenouilla, prit respectueu- 
sement l'écusson du chevalier, alla le montrer aux juges el 
puis le suspendit à l'arbre. Le nain et son géant alièrent 
eux-mêmes ouvrir la porte. M. de Ravenstein fit la plus 
brillante entrée ; ses trompettes, ses clairons, ses tambours, 
ouvralent la marche, puis venaient ses ofliciers d'armes et 
un chevalier de son conseil, tous vêtus à ses couleurs en 
velours bleu et argent. Pour lui, il était dans une litière 
cramoisi et or; 11 portait une robe de velours, couleur de 
cuir, fourrée d’'hermines, à collet renversé et à manches 
ouvertes, avec une barrette noire sur la tète. Un valet de 
pied conduisait en main son grand destrier; ses armes 
étaient chargées sur un cheval de somme. Lorsqu'il fut 
arrivé devant la duchesse, il mit un genou en terre, en 
se découvrant devant elle, et lui demanda son agrément 
pour combattre. Cette autorisation lui ayant été gracieu- 
sement octroyée, il alla à une extrémité de la lice se revètir 
de son armure et prendre ses armes, tandis que le chevalier 
de l’Arbre d'or se préparait au combat à l'extrémité opposée. 
Lorsque tous deux furent prêts, le nain renversant un sablier 
dont la chüte devait durer une demi-heure, donna le siynal 
du départ en sonnant du cor. Les deux combattants s’élan- 
cèrent l'un vers l’autre, de toute la vitesse de leurs 


| — 17 — 


chevaux, et se portèrent les coups les plus terribles. Les 
lances volèrent bientôt en éclats, et les deux chevaliers, 
en prenant de nouvelles, renouvelèrent la lutte avec une 
ardeur de plus en plus furieuse. Lorsque le dernier 
grain de sable fut tombé, le cor sonna de nouveau et le 
combat fut arrêté. C’était le chevalier de l’Arbre d’or, 
le grand bâtard de Bourgogne, qui lemportait; il avait 
rompu le plus de lances. [1 fut proclamé vainqueur et la 
duchesse lui passa au doigt l’anneau d’or (1). » 


III 


QUINZIEME SIÈCLE. — LA PROCESSION DE LOUVAIN. 


Le luxe qui avait augmenté au XV® siècle dans les 
tournois et les fêtes donnés par les ducs et par les grandes 
villes, avait changé le caractère des processions, qui 
anciennement étaient, comme nous l’avons rappelé plus 
haut, de pieuses cérémonies de pénitence ou d’actions de 
grâces. Elles étaient, à la fin du XV® siècle, formées 
d'un grand nombre de groupes et de sujets, les uns 
religieux, les autres historiques, représentés avec une 
grande richesse; et des scènes profanes et parfois même 
bouffonnes s’y mélaient assez souvent. Entre un grand 
nombre de cortèges de ce genre que nous pourrions décrire, 
nous ferons connaître la grande procession célébrée à 
Louvain en 1490, durant la kermesse de cette ville, en 
mémoire d’une victoire remportée sur les Normands en 
895. Les groupes étaient au nombre de 79. En tête, un 
char de triomphe portant la Pucelle de Louvain, entourée 
de dix jeunes filles représentant les dix anciens corps de 
métiers de la ville, et suivie d’une cavalcade. Venaient 
ensuite les vingt-sept corps de métiers existant au XV® 


(1) De BaranTe. Histoire des ducs de Bourgogne, t. VI, p. T1. 


— 18 — 


siècle, chacun avec son enseigne et ses chefs, qui ensemble 
formaient le second groupe. Le troisième montrait saint 
Michel triomphant du diable et le quatrième Adam et 
Éve chassés du Paradis terrestre. Les 34 groupes suivants, 
dont les corps de métiers fournissaient les personnages et 
les costumes, étaient formés de 34 femmes mentionnées 
dans l’Ancien Testament, Sara avec Abraham et Isaac, 
Rebecca sur un chameau, entourée de son cortège, Marie 
sœur de Moïse jouant du tambourin, Noémi et Ruth, 
Bethsabée, Judith, Esther et diverses autres fisurant comme 
symboles de la Sainte Vierge. Celle-ci apparaissait ensuite 
assise sur un char de triomphe, qui portait l'arbre de 
Jessé et était suivi de deux autres chars représentant, lun 
l’'Annonciation et l'autre l'Enfant Jésus dans l’étable de 
Bethléem. Après ce char on voyait les trois rois mages, sept 
pages montés sur des chameaux, et quatre autres chars 
figurant l’Ascension, la Pentecôte, l'Assomption et les 
neuf chœurs des anges. Dix groupes de prètres de divers 
couvents, abbayes, chapelles et paroisses s’avançaient 
ensuite. Ils précédaient le Suint-Sacrement qui était entouré 
du clergé de la paroisse Saint-Pierre. L'image miraculeuse 
de la Vierge, à laquelle on attribuait la victoire remportée 
sur les Normands, apparaissait alors portée par seize jeunes 
gens, au milieu d'un groupe de personnes tenant des cierges 
ou jouant des instruments de musique. Ce groupe était 
suivi de l’Üniversité de Louvain, avec son recteur ma- 
gnitique, ses quatre facultés, ses quatre pédagogies et tout 
son personnel en grand costume. C'est après ce groupe, que 
commençait le cortège purement historique: on y voyait 
le cheval Bayart monté par les quatre fils Aymon, Charle- 
magne qui rappelait un cycle des romans, le grand géant 
Hercule, sur un cheval, que la foule accueillait avec des 
acclamations, la belle Mégére, épouse du géant, montée 
aussi sur un cheval, portant un faucon sur le poing gauche, 
et accompagnée d’un singe d’une merveilleuse agilité, les 
enfants du géaut et de la géante encore au berceau, dans une 


— 19 — 


roulette en osier ou dans les bras d’une nourrice, scènes 
bouffonnes qui faisaient la joie du peuple et surtout des 
mères et des enfants. Le 69° groupe, qui venait ensuite, 
était formé d’un énorme éléphant monté par trois femmes 
représentant les trois parties du monde. Marchaient après, 
les quatre serments des milices communales de la ville, 
ayant au milieu d'elles le géant saint Christophe et pré- 
cédant le comte de Louvain, à cheval comme les guerriers 
de sa suite, et la comtesse sur un char de triomphe entourée 
des représentants des sept familles patriciennes de la cité 
et des Peetermanns ou marguilliers de l’église Saint-Pierre. 
Ce char était suivi de tout le personnel du magistrat de 
Louvain en costume de cérémonie. Et comme soixante- 
dix-neuvième et dernier groupe, on voyait un grand dragon, 
avec sainte Marguerite et saint Georges, ses vainqueurs. 
Uue foule immense assistait à cette procession de Louvain 
et à son Omeyang où marche, et se laissait aller, en la 
contemplant, aux émotions de la piété, de la joie et de 
l'admiration. Et tous répétaient gaiement le refrain de la 
vieille chanson de la kermesse de Louvain : « Soyez les bien 
venus, tous également, seigneurs et valets, pauvres et 
riches. » Il est facile de concevoir les dépenses qu’exigeait 
l'organisation de cette procession et de cette marche histo- 
rique, dont l’énumération qui précède n’a pu donner 
qu'une faible idée : les tèles du géant et de la géante 
étaient considérées comme de véritables chefs-d’œuvre de 
peinture (1). Et à ce sujet, nous rappellerons qu’il y avait 
des géants promenés dans les processions ou les fêtes 
publiques à Douai, à Lille, à Bailleul, à Hazebrouck, à 
Cassel, à Dunkerque, à Ypres, à Courtrai, à Ath, à 
Bruxelles, à Anvers, à Hasselt et dans diverses autres villes 
des Pays-Bas, souvenirs historiques ou légendaires, qui 
étaient l’occasion de réjouissances populaires (2). 


(1) Piotr. Histoire de Louvain, 1839, p. 15 à 22. 
(2) Le baron De REINSBERG-DÜRINGSFELD. Fêtes religieuses et civiles, p. 122 


et suiv. 


IV. 


SEIZIÈME SIÈCLE. — ENTRÉE DE CHARLES-QUINT À DOUAI. 


Le seizième siècle, qui est l’époque où le pouvoir monar- 
chique parvint à établir sa puissance sur les ruines de la 
grande féodalité et des libertés communales, est surtout 
remarquable, en ce qui concerne les fêtes, par les entrées 
des souverains. Voici la description sommaire de ce qui eut 
lieu à Douai, lorsque, le 15 mai 1516, Charles-Quint fit, en 
qualité de roi d’Espagne et de souverain des Pays-Bas, son 
entrée solennelle dans cette ville. On y trouvera, plus 
encore qu’à Louvain, la preuve de la puissance des confré- 
ries et des corporalions. 

La fête présenta un caractère tout particulier. Le roi, sa 
tante Marguerite d'Autriche, gouvernante des Pays-Bas, 
et toute la suite de seigneurs, de grands-officiers et de dames 
qui les accompagnaient, étaient en costume de grand deuil, 
à cause de la mort de Ferdinand, roi d'Aragon, qui avait 
eu lieu deux à trois mois auparavant. Le baïlli, les échevins 
et tous leurs officiers, ainsi que les notables de la ville, 
avaient pris aussi des vêtements de deuil; mais les milices 
communales, le clergé des paroisses, les chanoines et les 
religieux avaient revêtu leurs costumes les plus riches. 
L'entrée eut lieu à six heures et demie du soir. Soixante- 
douze hommes portant chacun une grande torche allumée 
attendaient le roi, en avant de la porte Notre-Dame, et 
l’escortèrent durant tout le parcours du cortège. 

La porte était ornée de tentures aux couleurs du roi et 
d’un grand écusson à ses armes, où se lisait l'inscription : 
Venial dilectus meus in horlum suum; elle était éclairée 
par une escoperche, haute tige de bois à branches portant 
des flambeaux. À quelques pas au delà de la porte, entre 
Phôpital des Chartriers et l’église Notre-Dame, était repré- 
sentée la première des onze Âisloires préparées pour Ja 


A — 


circonstance. Près d’un somptueux arc de triomphe, sous 
lequel le cortège devait passer, avait été établi un vaste 
échafaudage divisé en deux parties, qui était éclairé par un 
grand nombre de torches. Dans la première partie, des per- 
sonnages figuraient Josué envoyant deux explorateurs à 
Jéricho, puis s'emparant de cette ville dont les murs s’écrou- 
laient au bruit des trompettes des Hébreux, et dans la seconde 
partie l’empereur Maximilien, aïeul du Roi, envoyant deux 
ambassadeurs à Venise et réduisant cette ville à lui payer 
un tribut « ce que jamais, dit le récit de l'entrée de 
Charles-Quint à Douai, n’avoit esté à aultre personne ». 
Cette scène en partie double était représentée par 92 
membres de la corporation des Merciers et des Taiïlleurs. 

La seconde Aistoire était l’œuvre de 88 membres des 
corporations des Bouchers et des Marchands de poissons de 
mer. Elle représentait, sur un échafaudage de 90 pieds 
de longueur, d’un côté Josué s’emparant de la ville de 
Hay et de l’autre Ferdinand le catholique reconquérant 
Grenade sur les Maures. Les neuf autres histoires étaient 
aussi l’œuvre des corporations de la ville et figuraient 
toutes d’un côté un fait de l’histoire sainte et de l’autre 
côté un fait correspondant emprunté à l’histoire contem- 
poraine de l’Autriche et de l’Espagne, en l’honneur de la 
famille du jeune roi. Pour composer ces onze tableaux 
vivants, 1l avait fallu environ mille personnages qui 
étaient, dit une chronique du temps, « si accoustrés et 
» parés que c’estoit un plaisir les voir ; mesme pour servir 
» a ycelles histoire, y eubt cités bien et somptueuse- 
» ment faictes et peintes en figuration, et les bannières y 
» pendantes et toutes les pavesches (pavois, écus) y ser- 
» vants, et toutes lesdictes choses estoient richement 
» peintes des armes des rois, princes et seigneurs, régnant 
» aux dictes histoires ». On peut se faire une idée des 
travaux que nécessita l’ensemble de cette ornementation et 
du soin qu’on y apporta, quand on voit, dans les comptes 
de la ville, que les principaux charpentiers, hugiers, sculp- 


— 2)  — 


teurs et peintres de Douai avaient commencé à les exécuter 
suivant les plans qu’on leur avait fournis dès le mois 
d'octobre 1515 et qu’ils y furent occupés jusqu'au 16 mai 
1516 (1). 

Et ce n’était là qu’une partie des décorations. « Toutes les 
maisons et les rues, comme le dit encore la chronique, par 
lesquelles le roy passat estoient toutes parées et accoustrées 
tant de drap que de verdures, mesines les cauchies (pavés) 
des rues estoyent couvertes de verdures fleurantes et odori- 
férantes ». Il y avait en outre çà et là, des motifs parti- 
culiers de décoration. « La vieille porte du marché estoyt 
toute jendue de drap geaune, blancq et rouge quiestoyent 
les livrées du roy et au mnilieu y avoit un grand et somp- 
tueux tableau ou estoyent peintes les armes dudit roy très 
richement et aux deux costés y avoit escript deux auctorités 
de la sainte Escripture a l’honneur dudit Roy nostre sire ». 

« En la rue du Pont-à-Mont, estoit au milieu une belle, 
grande et excellente porte, par quile roy passat; et au haut 
de ladicte porte, on y avoit fait somptueusement un petit 
galata où étaient sept jeunes filles belles, asçavoir l’une 
nommée Pouay qui estoit au milieu, et les six autres à 
dextre Diligence, Foi el Union et à senestre Obéissance, 
Justice et Æspérance, lesquelles six protégeoient Douay 
contre ses ennemis ; elles estoient dénommées pucelles, 
humbles servantes obéissantes audit roy : et fust ce récit 
pris de bonne part très agréablement dudit roy ». 

« Contre la rue des Femmes Gisantes, il y avoit soixante 
grandes torses ardentes des mestiers de la ville, mises à 
doubles rangs et par ordre, et estoient icelles bien plaisantes 
à voir. Et en la Basse rue, encore soixante torses des 
mestiers ». 

Nous ometlons beaucoup de détails très intéressants, 
pour rappeler en terminant que la dépense totale faite à 


(4) Archives communales de Douai, série CC, n° 2:38, fol. 90, 91, 93, 9%, %, 
108, 110, 112, 114; les travaux y sont rappelés avec de curieux détails et les 
nous de tous les artistes et ouvriers. 


—23— 


cette occasion par la ville, en y comprenant la coupe d’or 
donnée au roi, mais sans y faire entrer les dépenses des 
corporations et des habitants de chaque rue, fut de 1,550 
livres, 3 sols et 4 deniers, ce qui reviendrait aujourd’hui à 
plus de 15,000 francs. Plusieurs trouvèrent que ce chiffre 
était bien élevé; mais, dit la chronique, « les eschevins 
déclairèrent que le tout s’estoit fait pour la réjouissance du 


Roy (1) ». 


V. 


SEIZIEMK SIECLE. — CONCOURS ENTRE LES CHAMBRES DE RHÉTORIQUE 
DU BRABANT A ANVERS. — REPRÉSENTATION D'UN MYSTÈRE 
A VALENCIENNES. 


Mais en même temps que le pouvoir monarchique s’éta- 
blissait plus puissant dans les Pays-Bas avec Charles- 
Quint et Philippe IL, des centres d'opposition se formaient 
çà et là, surtout dans les associations littéraires connues 
sous le noin de Chambres de rhétorique. Ces sociétés, dési- 
gnées anciennement, dans la partie française des Pays- 
Bas, sous le nom de confréries du Puy-Notre-Dame, se 
composaient des membres les plus riches et les plus lettrés 
du clergé, de la bourgeoisie et de la noblesse, qui se réunis- 
saient pour s'occuper de poésie et ouvrir des concours. 
Toutes étaient, à l’origine, consacrées à honorer la religion 
et les lettres; mais au XVI® siècle et surtout à partir 
du règne de Philippe IT, plusieurs d’entre elles firent une 
sourde opposition sous le rapport politique et parfois 
aussi sous le rapport religieux. 

Nous donnerons une idée de leur puissance et de leur 
richesse en parlant du concours ouvert à Anvers en 1561, 


(4) Archives de la ville de Douai, id. ib. — TAiLLIAR, Chronique de Douai 
t. 11, p. 94 et suiv. 


XL — 


qui porta le nom de Zandjurveel, joyau du pays, parce que 
le grand prix était un magnifique objet d’orfévrerie 
qu'octroyait au vainqueur la ville où avait lieu le concours. 
Il y avait, à Anvers, une Chambre de rhétorique, section 
de la célèbre corporation de Saint-Luc, qui, comme toutes 
les autres sociétés poétiques du Brabant, avait pris le nom 
d’une fleur ; elle s'appelait la Giroflée. Elle comptait parmi 
ses membres le poète Guillaume Van Haecht, alors 
échevin de la ville, les peintres Frans Floris et Martin De 
Vos et le sculpteur Corneille Floris. Comme elle avait, à 
plusieurs reprises, remporté le prix en d’autres villes, elle 
voulut, à son tour, convier toutes les associations du Bra- 
bant à un concours ouvert par elle. Les thèmes proposés 
étaient : pour la représentation dramatique, CE QUI INCITE 
LE PLUS LES HOMMES A LA CULTURE DES ARTS; pour le point 
poétique, c’est-à-dire la peinture ou la représentation à 
l’aide de personnages formant tableau, l’ÉLOGE DE LA PAIx ; 
pour une poésie morâle servant de prologue, les SERVICES 
RENDUS PAR LES NÉGOCIANTS QUI OBSERVENT LES LOIS DE 
L'ÉQUITÉ ; pour l’entrée solennelle, COMMENT ON SE RÉUNIRA 
PAR AMITIÉ ET COMMENT ON SE QUITTERA GRACIEUSEMENT. Des 
prix consistant en coupes d’argent de valeur diverse 
étaient alloués pour l’entrée la plus splendide et pour la 
mieux figurée et la plus instructive, pour le plus beau 
blason, pour la plus belle manière de figurer la fête, pour 
le prologue, pour le point poétique, pour le fou le plus 
amusant. Quatorze sociétés se rendirent à l’invitation de 
la Giroflée : l’Olivier et la Fleur de Souci d'Anvers, qui 
s'abstinrent de concourir, la Æleur d’allégresse de Berg-op- 
Zoom, la Pivoine et la Fleur d’iris de Malines, l’Asbre 
croissant de Lierre, la Courge de Herenthals, le Souci de 
Vilvorde, la Æleur de lis et les Œ'üls du Christ de Diest, le 
Muguet de Léau, la Rose de Louvain, la Ronce ardente de 
Bois-le-Duc, la Guirlande de Marie de Bruxelles. 

Toutes ces sociétés firent leur entrée solennelle le 
dimanche 3 août 1561. Il a été possible d’apprécier la 


— 2% — 


splendeur des costumes, la richesse et la variété des groupes, 
des chars, des emblèmes et des bannières qui figurèrent à 
cette entrée, lorsque les 14, 16 et 21 août 1892, quatorze 
sociétés anversoises ont représenté avec l'exactitude la 
plus scrupuleuse, d’après des dessins de l’époque, le cortège 
qui avait figuré 331 ans auparavant et ont ainsi fait 
comprendre tout ce qu’il offrait d’intéressant sous Le rapport 
de l’histoire et de lart. 

Les Chambres de rhétorique faisaient souvent jouer des 
farces et des soties, comédies dans lesquelles les vices et les 
institulions de l’époque étaient parfois attaqués ; mais plus 
fréquemment, elles représentaient des mystères religieux 
qui attiraient une grande foule. Pour jouer un mystère, 
une compagnie spéciale se formait ordinairement dans une 
ville ou une région. Il en fut ainsi à Valenciennes en 
1547, lors de la représentation du Mystère de la Vie et de la 
Passion, la Mort et la Résurrection du Sauveur. Dix 
membres de la riche bourgeoisie avec le lieutenant du 
prévôt de la ville, le receveur de Bouchain et le baïlli de 
Verchain, se chargèrent de la haute direction de la fête. 
Ils s’adjoignirent trente-huit bourgeois, qui se déclarèrent, 
avec eux, solidairement responsables au sujet de toutes les 
dépenses qu’entrainerait la représentation et firent un 
règlement détaillé que devaient strictement observer tous 
ceux qui prendraient part à l’entreprise, en qualité de 
directeurs ou d’acteurs. Ce fut une tâche grande et difficile. 
Le théâtre pour lequel le gouverneur de la ville, Philippe 
de Croy, duc d’Arschot, prèta ses jardins, devait contenir 
cinq à six mille personnes. [a scène avait 50 mètres de 
longueur sur 25 de largeur ; on y voyait un grand nombre 
d'emplacements différents, le temple, des habitations 
privées, la place publique, la campagne, la mer, le paradis, 
l’enfer ; divers mécanismes ingénieux y avaient été ins- 
tallés, qui permettaient de produire les effets qui sont 

aujourd’hui opérés dans les féeries. 

Le mystère, qui est en vers, a été composé par un clerc 


— 2% — 


du béguinage de Valenciennes, Robert Girard, qui s’adjoi- 
gnit Christophe Huvelois, et le chroniqueur Louis Wicart 
dit de la Fontaine ; il est divisé en 25 journées qui deman- 
dèrent 25 représentations à des jours différents. Afin que 
tout püt être facilement organisé d’avance, un habile 
miniaturiste valenciennois, Hubert Caïlleau, représenta, 
par des aquarelles peintes sur les espaces laissés en blanc 
dans le manuscrit du poème, le théâtre, les divers empla- 
cements où se passait l'action, les mécanismes et frucs 
dont nous venons de parler, et un grand nombre de scènes 
où les personnages sont figurés en action et portant les 
costumes dont ils devaient être revêtus. Deux manuscrits, 
ainsi enluminés de la main de Cailleau, sont encore auJour- 
d’hui conservés, l’un à la Bibliothèque nationale de Paris 
où il porte le n° 12,536 fonds français, et l’autre au château 
de Sebourg; ils permettent de se rendre compte du soin 
avec lequel avaient élé préparés les décors et les costumes. 
Le nombre des acteurs remplissant des rôles importants 
était de 168 ; il faut y ajouter plusieurs centaines de com- 
parses. L’affluence des spectateurs fut telle, que le prix 
étant de 8 deniers par personne, le chiffre de la recette 
s’éleva à +.680 livres tournois, ce qui permet de supposer 
140,422 entrées, soit environ 5,626 entrées chaëune des 
25 journées {1}. C'était, on le voit, une représentation 
non moins importante que celle d’Oberammergau qui 
attire tant de personnes, de nos jours, dans un village de 
l'Allemagne. 


(1) La dépense totale avait été de 4,179 livres, soit en monnaie d'aujourd'hui 
11,790 francs. La recette totale fut de 5,409 livres, en y comprenant la vente 
du matériel qui s'éleva à 728 livres, soit 54,090 francs ; il y eut donc un 
bénéfice de 12,300 francs, qui fut partagé entre tous ceux qui avaient souscrit les 
obligations ct les actions, au prorata de leur mise. Nous avons emprunté l'en- 
semble des détails que nous avons fait connaître à l'ouvrase qui a été publié 
par M. Maurice Hénaut sous le titre: Représentation du mystère de la Passion; 
Valenciennes. 1800. 


VI. 


DIX-SEPTIÈME SIÈCLE. — ENTRÉE DE FERDINAND D’AUTRICHE À ANVERS. 
— FÊTES A DOUAI, A L'OCCASION DE L'ASSEMBLÉE PROVINCIALE 
DES DOMINICAINS. 


Au X VITfsiècle, le pouvoir royal l’a partout emporté dans 
la partie des Pays-Bas soumise à l'Espagne et le catholi- 
cisme y a triomphé des protestants. Le peuple accueille 
avec bonheur les entrées des souverains et les grandes 
cérémonies religieuses. À Anvers, il y avait eu, dès 1594, 
la splendide entrée d’'Ernest, archiduc d'Autriche, et en 1599 
celle des archiducs Albert et Isahelle dont le règne devait 
procurer au pays la paix et la prospérité (1). En 1635, lorsque 
déjà l’on souffrait de la guerre de Trente ans, eut lieu l’eñftrée 
de son Altesse le Cardinal-Infant, Ferdinand d'Autriche, 
qui venait d’être nommé gouverneur des Pays-Bas. Jamais 
entrée d’un souverain n’a été célébrée par une cérémonie 
aussi grandiose, aussi artistique. Le magistrat d'Anvers 
avait décilé, cinq à six mois avant le jour fixé pour la fête, 
que les motifs de décoration concourraient à un double 
but : d’abord, honorer par des arcs de triomphe la gloire du 
nouveau gouverneur et celle de sa famille, et ensuite 
exposer, dans certaines des scènes représentées sur les 
théâtres, l’état d’appauvrissement et de décadence dans 
lequel tombait la ville, afin d’obtenir que le nouveau 
gouverneur y portât remède. 

Lorsque, le 17 avril 1635, le Cardinal-[nfant fit son 
entrée à Anvers, 1l trouva, près de la porte Saint-Georges, 
un char sur lequel se tenaient debout plusieurs jeunes filles 
richement vêtues, dont l’une, figurant la ville d'Anvers, 
lui offrit une couronne de laurier sur un plat d’or en 
mémoire de la victoire qu’il avait remportée à Nordlingen. 
Dans les rues et sur les places publiques qu’il traversa 


(1) Une solennité de ce genre eut lieu à Lille l’année suivante : elle a été 
décrite par: J. Houpoy. Lille au XVI siècle, joyeuse entrée d'Albert et 
d'Isabelle. Lille, 1873. 


>. _ PB — 


? 
avaient été érigés ,‘en l’honneur du gouverneur, du roi 
d'Espagne et des émpereurs d'Autriche, onze arcs de 
triomphe où figuraient, entre autres personnages, Janus 
et Hercule, et divers grands théâtres où étaient représen- 
tées diverses scènes, parmi lesquelles la Pienvenue au 
Prince, ses Victot'es à N'ordlingen el à Callao, les Aorreurs 
de la Guerre, et le Commerce désertant la ville d'Anvers. 

C'était Rubens, qui, dès le mois de novembre précédent, 
s'était mis à l’œuvre, à la demande du magistrat, pour 
fournir tous les dessins et toutes les esquisses des arcs de 
triomphe, des théâtres, des scènes et des œuvres d'art 
devant servir à la fète, et qui les avait fait exécuter par 
d’habiles artistes. "Ce travail est l’une des principales 
œuvres du grand peintre. Lui, le décorateur par excellence, 
il eut le privilège de rencontrer l’occasion de décorer une 
ville tout entière, et 1l en usa largement et avec une 
fougueuse ardeur. [L’ordonnance de l’ensemble, dit 
M. Max Rooses dans son travail sur l’'Œuvre de Rubens, 
fut grandiose: chacun des arcs de triomphe, chacune des 
scènes fut une merveille d'invention (1). Dans les portiques 
le maître déploya son beau talent d’architecte et dans les 
peintures son goût pour l’allégorie. Les constructions ont 
souvent le caractère massif qu'il affectionnait et ses 
emblèmes tournent facilement à l’énigme. Mais quelle 
variété dans ces monuments éphémères |! Quel symbolisme 
ingénieux dans les allégories! Quel grand goût et quelles 
formes admirables! Quel génie dans l’ensemble et les détails. 
Et s’il fallait faire ressortir certaines parties de ces décora- 
tions, ne suftirait-1l pas de rappeler le Neptune commandant 
aux flots conservé au musée de Dresde, les portraits 
d'Albert et d'Isabelle qui sont au musée de Bruxelles, et 
l’Abondance et la Providence qui figuraient derrière la 
représentation de la bataille de Nordlingen et que lon 
admire encore aujourd'hui au musée de Lille ? 


(1) Max Rooses. L'Œuvre de P. P. Rubens, Anvers 1886-1892; t. III, p. 272 
et suiv. 


— 929 — 


Pour perpétuer le souvenir de cette solennité, le magistrat 

d'Anvers décida que l'on en ferait une reproduction ornée 
de gravures représentant les monuments, les scènes et les 
allégories. Cet ouvrage parut en 1642: c’est un chef- 
d’æuvre reproduisant des chefs-d’œuvre. 
Outre les entrées des grands personnages, il y eut, 
fréquemment au X VIT siècle, surtout sous la domination 
espagnole, des réceptions de reliques et autres cérémonies 
religieuses. À Douai, de 1612 à 1662, on compte huit 
grandes fêtes publiques, à l’occasion de canonisations, de 
translations de reliques et de fètes relatives aux ordres 
religieux. L'assemblée provinciale des Dominicains tenue en 
cette ville les 10 et 11 mai 1621 fut célébrée par une proces- 
sion dont il est possible d'apprécier facilement le caractère 
artistique. Il y a, à la bibliothèque publique de Douai, dans 
un manuscrit en parchemin orné, par l’habile peintre 
Vaast Bellegambe et par son beau-frère Bon-Lenglet de 
remarquables peintures offrant la reproduction de toutes les 
décorations exécutées à l’occasion de cette assemblée 
provinciale, près du collège de Marchiennes tenu par des 
Bénédictins, près de celui d’'Anchin dirigé par les Jésuites 
et'au couvent des Sœurs de Saint-Thomas. 

Entre les deux collèges, s'élevait une suite de vingt: 
quatre grandes arcades, formant perspective, dans chacune 
desquelles se trouvaient de grandes peintures, hautes de 
seize pieds et larges de douze, représentant la #iiation 
spirituelle de saint Dominique, c’est-à-dire les saints qui ont 
illustré son ordre ; à la suite d’une fontaine jaillissant de 
quatre côtés pour figurer les quatre parties de la Somme de 
saint Thomas, on voyait d’abord saint Dominique, debout, 
une étoile au front, et à ses pieds son symbole, un chien 
Lenant en sa gueule le flambeau de la Parole sainte; puis. 
parmi les vingt-trois autres portiques, saint Thomas d'Aquin 
foulant aux pieds les grandeurs terrestres, saint Pierre, 
martyr, tenant de la main droite un rosaire, et de la main 
gauche montrant une torche à des serpents qui rampent à 


D — 


terre, saint Vincent Ferrier qui jette un Amour dans un 
puits, emblème du zèle avec lequel il a attaqué le désordre 
dans les mœurs publiques, et la Bienheureuse Béatrice de 
Ferrière, qui reçoit la couronne des mains de sainte 
Catherine ; dans la dernière de ces grandes arcades était un 
tableau représentant la Sainte Vierge et l'Enfant Jésus, et à 
leurs côtés, ici saint Dominique, là saint Ignace, pour 
montrer l’union qui existait, en cette fête, entre les 
Dominicains et les Jésuites. Ceux-ci avaient établi, dans la 
rue qui conduisait à l’église de leur collège, un long 
théâtre monté sur échafaudage dans lequel quatorze 
de leurs étudiants, figurant, dans le style de l'époque, des 
allégories où la mythologie païenne se mêlait au symbolisme 
chrétien, représentaient les principales qualités qui distin- 
guaient l’ordre de Saint Dominique: la doctrine, la sainteté, 
la prière, l’éloquence, la sagesse, la force, la prudence, la 
patience, la fécondité religieuse, la charité, l'abondance des 
fruits et la perpétuité. Les remarquables esquisses du 
manuscrit de Douai nous permettent d’assurer l’exactitude 
de la description de quelques-unes de ces allégories que nous 
empruntons à un auteur contemporain {1). « Le premier 
» jeune estudiant estant assis et ayant une couronne d’or 
» fermée à la royalle sur sa teste, à la main droite un 
» sceptre d’une pareille estoffe, à la gauche un flambeau 
» ardent et sur la poitrine un soleil, représentait la Doc- 
» trine.. Le quatriesme accomodé et adjusté comme un 
» [Indois, avoit deux ailes aux pieds, deux aux mains et 
» deux à la teste, laquelle une couronne de laurier environ- 
» noit,et tenoit en la main droite un caducé, à côté estoit une 
» ruche à miel etces mots au-dessus d’icelle : snellea accula ; 
» il représentait l'Éloquence (on le voit, c'était Mercure). 
» Le onziesme, fort aggréable et gracieux à voir, avoit 
» Phabit tout parsemé de belles fleurs, la teste couverte 
» d’icelles, avec une balance pendantte suricelle, soubs son 


(1) Le P. Petit, Fondateur du couvent Sainte-Croix de Douay. Marc Wion, 
1653. | 


sd 


» bras gauche estoit un cornet d’abondance, hors duquel 
» sortoient toutte sorte de fruicts, comme grenades, citrons, 
» oranges, raisins, Cerises, etc., en sa main droite un cou- 
» teau ; une gerbe de bled avec ses grains luy servoit de 
» chaiere, et tout cela représentoit la Pérennité de l’ordre. 
» Le dernier, fort vénérable et courbé par son grand aage, 
» avoit la teste couverte d’un bonnet, comme aussi le corps 
» et les mains d’une robe longue et mancheron, et le tout 
» fourré de peaux de renard; à l’un de ses costez une 
» lanterne ardante, à l’autre une palme contre laquelle 
» Éole envoyait son souffle et le vent. Au dessus il estoit 
» escript: Von timebis «a frigoribus nivis ». 

Vis-à-vis ces allégories, qui sont bien caractéristiques, 
élaient représentés sur des colonnes les quinze mystères 
du Rosaire et contre la partie du jardin du couvent de Saint- 
Thomas, qui faisait pendant à l'église des Jésuites, s'élevait 
un arc de triomphe haut de 25 pieds et large de 32 avec 
plusieurs colonnes, au centre duquel se trouvait une statue 
représentant un personnage appuyé sur une balustrade, 
avec le chien, emblème de saint Dominique, auprès de lui ; 
la peinture dont cet ensemble élait décoré imitait le marbre. 
Dans la rue Saint-Jacques, qui est voisine de la rue condui- 
sant à l'église des Jésuites, on remarquait une série de 
22 tableaux exécutés avec le plus grand soin, qui figuraient 
la suite généalogique des membres de la famile Guzman, 
à laquelle appartenait saint Dominique, depuis Rodrigue 
Guzman, aïeul du saint, jusqu’à son arrière-petite-nièce 
à la cinquième génération, Leonora Guzman, qui épousa 
Alphonse, roi de Castille, dont on voyait les neuf 
successeurs jusqu’à Philippe IV, alors régnant en Espagne. 
L’histoire et l’art avaient donc contribué d’une manière 
toute spéciale à la glorification de saint Dominique et à la 
pompe de cette grande cérémonie religieuse (1). On y trouve 


(1) Les renseignements qui précèdent ont été empruntés en partie au Manus- 
crit de sainte Catherine de Sienne, conservé dans la Biblivthèque publique de 


- 2 — 


partout le goût pour l’allégorie et les personnages mytho- 
logiques qui dominait à cetle époque. 


VII. 


DIX-HUITIÈME SIÈCLE. — LES CENTENAIRES. — LE JUBILE DE 700 ANS 
DE LA PROCESSION DE SAINT MACAIRE A GAND. 


Le dix-huitième siècle a été, dans le nord de la France et 
dans les Pays-Bas, l’époque des centenaires célébrés par 
des cortèges qui passaient sous de riches arcs de triomphe 
et dans lesquels figuraient un grand nombre d’allégories 
et de chars symboliques. Nous pouvons mentionner à 
Cambrai le jubilé de Notre-Dame de Grâce, à Valenciennes 
celui de Notre-Dame du Saint-Cordon, à Douai celui du 
Saint-Sacrement de Miracle, à Lille celui de Notre-Dame 
de la Treille, à Bruges celui de la Procession du Saint- 
Sang, à Malines celui de mille ans en l’honneur de saint 
Rombaut et à Gand celui de sept cents ans en l'honneur de 
saint Macaire qui s’était offert au ciel en victime et avait 
ainsi obtenu la cessation de la peste qui désolait la ville. 

Ce dernier centenaire fut célébré en deux cérémonies 
différentes, l’une la procession qui parcourut la ville les 
dimanches 31 maiet 14 juin 1767, et l’autre la cavalcade 
qui sortit le 1, le 9et le 15 juin de la même année. La 
procession, avec ses corporations, ses confréries, ses milices 
communales, et tout le clergé séculier et régulier, ne diffère 
guère des cérémonies religieuses ordinaires. [Il en est tout 
autrement de la cavalcade qui eut son aspect original et 
présenta le caractère du X VIII siècle. 

Cette marche historique était divisée en quatre parties et 


Douai, à une Notice sur ce manuscrit publiée par M. E. de Coussemaker dans 
le tome X11° du Bulletin de la Commission historique et à un travail sur les 
Fêtes religieuses à Douai au XVIL° siècle, que M. Tailliar a fait paraitre dans le 
tome VII des Mémoires de la Société d'Agriculture de Douai, en 1861. 


nn — 


formée de vingt-quatre allégories représentées par des 
oiseaux ou des quadrupèdes gigantesques suivis chacun 
d’un ou de plusieurs chars de triomphe qu’accompagnait 
un cortège spécial. 

Après les troupes de la garnison qui formaient la tête de 
la cavalcade, était représentée l’introduction du christia- 
nisme à Gand : un Paon gigantesque figurait l’orgueil des 
idolâtres, et précédait le premier char sur lequel on voyait 
les attributs du paganisme renversés par saint Amand, qui 
était debout entre deux génies, portant l’un la croix et 
l’autre une ancre, et au-dessous la Religion triomphante. 
Derrière, un Phénix figurait saint Liévin, second apôtre de 
Gand, ressuscitant le christianisme en cette ville; il était 
suivi du deuxième char où le saint martyr apparaissait 
élevé en gloire au-dessus des anges. 

Voici maintenant la première partie du cortège dont les 
personnages étaient représentés par 243 bourgeois et bour- 
geoises notables de la ville de Gand. En tète, la Renomimée 
entourée de sept anges jouant de la trompette pour proclamer 
au loin la gloire de saint Macaire; elle était suivie du troisième 
char sur lequel était assise la Pucelle de Grand, défendue par 
un lion et tenant les armes de la ville, et par derrière le 
char marchaient, avec leurs guerriers et leur suite, 
Baudouin IV, comte de Flandre et sa femme Ogive de 
Luxembourg, qui gouvernaient le pays lorsqu’éclata la peste 
dont saint Macaire délivra la ville. Un Pélican figurait 
ensuite saint Macaire faisant à Dieu le sacrifice de sa vie pour 
obtenir la cessation de la peste et précédait le quatrième 
char où l’on voyait la Pucelle de Gand pleurant sur le 
fléau qui décimait la ville et au-dessus saint Macaire à 
genoux arrêlant l’ange exterminateur. Le cortège de ce 
char était formé de Philippe 1°", roi de France, de Bau- 
douin V, tuteur de ce roi, et de Baudouin VI, avec un grand 
nombre de chevaliers et de dames. La Zicorne, symbole 
du secours donné par saint Macaire au moment des 
maladies contagieuses, était conduite en avant du cinquième 


3 


2 


char où l’on voyait l'élévation des reliques de saint Macaire 
et qui était suivi par des personnages représentant les 
villes où des miracles ont été opérés par l’intercession du 
saint, Malines, Cambrai, Mons, Maubeuge, Tournai, Gand, 
et par les archiducs Albert et Isabelle, souverains des Pays- 
Bas en 1615, lorsque les reliques de saint Macaire portées 
à Mons avaient fait cesser la peste qui désolait cette ville ; 
un nombreux cortège et vingt grands d’Espagne accompa- 
gnalent les archiducs. L’énorme Zion qui figurait ensuite 
indiquait le secours accordé par saint Macaire à ceux qui 
l’invoquent et précédait le sixième char, où était représentée 
la Fulle de Gand tendant une main secourable à la ville de 
Mons, et plus haut l’archiduchesse Isabelle se faisant 
inscrire dans la confrérie de Saint-Macaire et lui présentant 
des offrandes. La reconnaissance envers le saint était ensuite 
symbolisée par les villes de la Flandre qui possédaient des 
reliques de saint Macaire et par divers comtes de ce pays: 
Thierri d'Alsace, Marguerite de Constantinople, Louis de 
Male et Philippe-le-Bon, Philippe IT et Charles II, rois 
d'Espagne, le duc de Lorraine et madame Royale, abbesse 
de Remiremont, et, à la suite d’un Aigle symbole de l’Au- 
triche, par le duc Albert de Saxe, l’archiduc Maximilien, 
l’'archiduc Ferdinand, l’archiduc Léopold, et par le septième 
char où figuraient l’impératrice alors régnante et les prin- 
cesses de la maison d'Autriche. Tous ces personnages étaient 
accompagnés de leur suite. 

Nous ne ferons qu’indiquer sommairement les autres 
parties de la cavalcade. La seconde représentait les 
quatre Æléments rendant honneur à saint Macaire ; elle 
était formée de cinq animaux et oiseaux symboliques, de 
cinq chars de triomphe et d’un grand vaisseau avec ses 
agrès, ses mäts, ses voiles et son équipage faisant la 
manœuvre; 165 personnes de Gand y figuraient. La troi- 
sième partie, représentée par 124 gantois et gantoises, mon- 
trait les Quatre Saisons honorant saint Macaire, et offrait 
cinq animaux el oiseaux emblématiques avec cinq chars de 


35 — 


triomphe. Dans la quatrième section du cortège, c’étaient 
les Quatre parties du monde qui célébraient le saint ; on y 
voyait cinq animaux gigantesques, six chars de triomphe, et 
des cortèges représentant les peuples de l’Europe, de l’Asie, 
de l'Afrique et de l'Amérique : 254 habitants notables de 
Gand y figuraient, sans y comprendre les musiciens et la 
troupe. Que l’on ajoute à tout cela dix-sept grands arcs de 
triomphe, ayant de 50 à 80 pieds de hauteur et de 30 à 40 
pieds de largeur, ornés chacun de bas-reliefs rappelant la 
vie et les vertus de saint Macaire, de nombreuses inscrip- 
tions en vers et en prose, en latin, en français et en flamand, 
avec des étendards plus nombreux encore, dans le cortège, 
sur les arcs de triomphe et sur toutes les maisons de la 
ville, avec des jeux publics, des représentations théâtrales 
el des feux d'artifice, le tout en l’honneur du saint, et l’on 
pourra peut-être se faire une idée de l’une de ces fêtes que 
nos temps modernes ne connaissent plus (1). Le goût n’était 
point parfait, on vient de le voir ; mais l’enthousiasme était 
grand et les dépenses faites, pour rappeler l’histoire et 
donner au cortège un caractère artistique et varié, étaient : 
considérables. 


VIII. 


LIX-NEUVIÈME SIÈCLE. — LES INCAS À VALENCIENNES. — FÊTES AU SUJET 
DU B. CHARLES-LE-BON, COMTE DE FLANDRE, A BRUGES. 


Sans parler des fêtes de la Révolution, qui n’avaient rien 
de spécial comme souvenirs historiques et, par conséquent, 
ne rentrent pas dans notre sujet, nous rappellerons ce qui 
s’est produit en notre siècle dans plusieurs villes du nord 
de la France et de la Belgique. 


(4)Mw=* Clément a reproduit le programme de cette cavalcade dans son Histoire 
des Fêtes civiles et religieuses; Avesnes 1846, p. 177. 


ln 


En 1825, la ville de Malines, à l’occasion du jubilé 
séculaire de son patron saint Rombaut, organisa une marche 
historique, d’une très grande richesse, mais qui rappelait les 
processions et les cavalcades de Louvain et de Gand, dont 
nous avons parlé plus haut. Les jubilés séculaires célé- 
brés à Cambrai en l'honneur de Notre-Dame de Grâce en 
1852, à Lille en l’honneur de Notre-Dame de la Treille en 
1854 et à Douaien l'honneur du Saint-Sacrement de Miracle 
en 1855, furent de splendides manifestations: mais l’élé- 
ment historique n'y était pas assez considérable, pour que 
nous en parlions en détail. 

Le goût de notre siècle pour les études d’histoire et 
pour ce qu’on appelle la couleur locale devait donner un 
caractère particulier à plusieurs autres fêtes et cortèges. 

En 1825, quelques habitants de Valenciennes, peu satis- 
faits des grossières représentalions que l’on promenail, 
pendant le carnaval, par les rues de la ville, en faisant une 
quête pour les prisonniers, se demandèrent par quels person- 
nages on pourrait les remplacer, et, s'inspirant sans doute 
du souvenir de l’ouvrage de Marmontel, choisirent les Incas, 
Ils formèrent, sous cenom, une société qui fit sortir, chaque 
année, au carnaval, vers le soir, à la lueur des torches, un 
certain nombre de personnages portant le costume du chef 
des Incas et de sa suite; le succès fut grand el la quête 
pour les pauvres abondante. Bientôt le cortège considéra- 
blement accru ne sortit plus que tous les deux ans. En 
1840, il eut lieu pendant le jour, et avec une variété de 
personnages et un luxe élégant qui lui donnèrent une grande 
célébrité et contribuërent à rendre très fructueuse la quête 
que l’on y fit pour les indigents. Cette fête des [Incas se mani- 
festa dans toute sa splendeur, les 11, 12 et 13 mai 1851. Le 
sujet qu’elle représenta fut, comme dit le programme, la 
Marche allégorique des Peuples, conduits par le Génie de la 
Civilisation à la Concorde universelle. La première époque 
rappelait la civilisation de l’antiquité; on y voyait succes- 
sivement, représentés par des groupes, des emblèmes et de 


on 


magnifiques chars, l'Égypte, l'Éthiopie, la Perse, la Grèce 
et l’Empire romain ; dans la deuxième époque consacrée au 
moyen-àge, étaient figurés l’établissement du christianisme 
en Occident, les Maures sousles califes et les Croisades avec 
le” XIII® et le XIV* siècle ; la troisième époque avait pour 
sujet les temps modernes et rappelait les grandes décou- 
vertes du XV® siècle, imprimerie, Amérique, Indes orien- 
tales, le siècle de Léon X avec la Renaissance, le X VII® 
siècle avec Louis XIV, et entin, le groupe de 1789 suivi de 
l’arc de triomphe de l'Étoile avec les grands généraux de 
l'Empire et même la conquête de l'Algérie. Ce vaste 
ensemble était complété par un char des Ambassadeurs 
représentant toutes les puissances de l’Europe unies sous 
leurs pavillons en faisceaux, par le char de l'Agriculture et 
du Commerce et par celui où se trouvaient les personnages 
célèbres de Valenciennes qui ont le plus contribué aux 
progrès de l’esprit humain. On remarqua surtout la beauté 
des nombreux chars, qui faisaient partie du cortège et la 
richesse de plusieurs costumes. On dit que la dépense 
totale s’éleva à environ 300.000 francs. Cette fête a été 
renouvelée, mais avec moins d'éclat, quelques années plus 
lard. 

Elle avait excité, dès ses premières sorties, l’émulation 
des villes voisines. On représenta, par des cortèges histo- 
riques, à Cambrai, en 1839, l’entrée de François [* et, en 
1852, l’histoire du Cambrésis depuis les Gaulois jusqu’à 
nos jours ; à Arras, vers 1845, la cour des ducs de Bour- 
gogne ; à Lille, en 1851, 1852, 1858 et 1863, les fastes de 
la ville ; à Gand, en 1849, la série des comtes de Flandre ; 
à Saint-Omer, en 1850, l’entrée du comte Guillaume 
Cliton. Dans l’ensemble de ces cortèges, on avait voulu 
arriver à lavérité historique ; mais trop souvent les recher- 
ches n'avaient été faites que dans les recueils formés pour 
les théâtres. Comme le dit M. Arthur Dinaux en parlant de 
la représentation de l’entrée de Philippe-le-Bon à Douai, 


La 


Ps 


« les costumes sentaient trop ceux des coryphées de l'opéra 
« et perdaient à être vus de jour (l'. » 

Depuis quelques années, la Belgique et le nord de 
la France ont célébré diverses fêtes dans lesquelles la 
vérité historique a été observée avec une minutieuse 
exactitude. Nous signalerons d’abord le Cortège précédant 
une procession, qui a été organisé à Bruges, au mois d’août 
1884, en l'honneur du Bienheureux Charles-le-Bon, comte 
de Flandre, dont le culte avait été approuvé par le Saint- 
Siège en date du 9 février 1882. Grâce à de savantes 
recherches dans les documents et à l'étude la plus sérieuse 
des costumes dans les manuscrits à miniatures des X[° et 
XII siècles, la vie et le martyre du saint ont pu être 
figurés d’unemanièrecomplèle et ingénieuse et avec la plus 
remarquable vérité historique. La première partie était 
consacrée au mariage du père et de la mère de Charles, 
Canut, roi de Danemarck, et Adèle, fille du comte de 
Flandre, autour desquels se groupaient des chevaliers 
danoïs et des seigneurs flamands, avec leurs hommes qui 
portaient les présents faits aux nouveaux époux. Dans la 
seconde partie, on voyait le prince, jeune encore, ramené à 
la Cour de Flandre dans un navire danois, puis se rendant 
en pèlerinage à Jérusalem et prenant part à une grande 
chasse dans les bois de Wynendale. Son intronisation en 
qualité de comte de Flandre, sa Cour et son zèle pour 
défendre les villes et le peuple contre la violence des 
grands, formaient la troisième partie ; el la quatrième rap- 
pelait d’abord son martyre, puis l’arrestation des grands 
seigneurs qui l'avaient mis à mort, et enfin sa glorification 
sur un Char dont les gradins étaient occupés par des person- 
nages représentant les villes de la Flandre. Cette mise en 
action d’une des pages les plus intéressantes de l’histoire de 
Bruges au XITI° siècle, prètait à des groupes variés et à 


(1) ARTHUR Dinaux. Description des Fêtes populaires données à Valen:- 
ciennes en 1851, p. 70. 


0e 


de curieux motifs de décoration ; et elle fut d’autant plus 
remarquable que les membres des familles patriciennes de 
la ville, hommes, dames, demoiselles, jeunes gens etenfants, 
s'étaient fait un pieux devoir d’y figurer et avaient 
rehaussé leurs costumes historiques avec les trésors de 
leurs écrins. Dans le même ordre d’idées, nous mentionne- 
rons encore la partie historique du cortège formé à Tournai, 
le 27 août 1892, à l’occasion du huit centième anniversaire 
de la procession de cette ville. Nous dirons aussi quelques 
mots du Grand cortège religieux el hislorigue, qui a lieu 
tous les cent ans à Saint-Trond, ville du Limbourg 
belge, et qui vient d’y être célébré le 31 juillet et le 
3 août 1893. Toute la population avait prêté son concours 
à celte fêle; un grand nombre de dames appartenant aux 
principales familles du pays y figuraient à cheval, revèlues 
de riches costumes. Certains groupes étaient très remar- 
quables, surtout celui des Douze Villes de l’ancien pays 
de Looz; nous avons regretté que, pour plusieurs autres, 
on ne se soit pas assez conformé à la vérité historique. 


IX. 
DIX-NEUVIÈME SIÈCLE. — REPRODUCTION DE FÈTES ANCIENNES 
À BRUXELLES ET A ANVERS. — LE CENTENAIRE 


DE LA LEVÉE DU SIÈGE DE LILLE. 


Deux fêtes d'un caractère tout différent ont été organi- 
sées à Bruxelles et à Anvers: ce sont deux reconstitutions 
absolument exactes de cérémonies el de cortèges, lels 
qu'ils s'étaient vus il y a quatre et cinq cents ans. 

À Bruxelles, sur cette place de l’hôtel de ville, si riche 
en monuments anciens et en souvenirs historiques, a été 
renouvelé, en août 1891, le célèbre tournoi qui y avait été 
ouvertau X V° siècle. La place était décorée conformément à 
une miniature rappelant ce tournoi. En face de l’hôtel de 


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ville, contre « la Maison du Roi », avait été dressé un haut 
et riche décor représentant une forteresse, dont les fenètres 
étaient praticables au premier étage ; dans le bas se trouvait 
la tribune réservée aux dames et aux damoiselles, abritées 
par un grand velum de soie bleue. 

À deux heures et demie, des musiciens en costume 
X V® siècle, quise trouvaient dans le beffroi, firent entendre, 
sur leurs longues trompettes, une fanfare qui annonçait 
l’ouverture du tournoi. Aussitôt, des groupes de dames et 
de damoiselles, en riche costume XV® siècle, firent leur 
entrée, accompagnées de pages et de cortèges d'honneur, 
les unes en litière, les autres à cheval et un certain nombre 
à pied tenant la main de damoiseaux. Ce brillant cortège 
alla prendre place dans la tribune centrale, tandis que des 
orchestres, toujours en costume XV' siècle, allèrent 
occuper des tribunes plus basses. 

Après un signal donné par les trompettes, commença la 
première partie du tournoi. Cinquante fantassins, archers 
et arbalétriers, divisés en deux corps ennemis, firent les 
marches et les contre-marches d'hommes d’armes qui 
prennent leurs positions avant le combat et se menacent, 
sans toutefois en venir aux mains. 

La seconde partie était destinée, comme cela se prati- 
quait au moyen-àge, à provoquer l’hilarité dés spectateurs. 
A l’extrémité de la piste, un mannequin, armé de loutes 
pièces, tenant en son bras gauche un large bouclier et en 
son bras droit un fléau, avait été établi sur un pieu qui 
tournait au moindre choc. Vingt cavaliers vinrent successi- 
 vement frapper le bouclieret ne furent pas, pour la plupart, 
assez habiles pour éviter de recevoir un coup de fléau, ce 
qui fit rire la galerie. 

Dans la troisième partie du tournoi, on vit apparaitre 
vingt-quatre cavaliers, divisés tantôt en deux et tantôt en 
quatre pelotons, qui firent des évolutions très remar- 
quables. La plus intéressante fut celle du mai, qui consis- 
lait à saisir vingt-quatre larges rubans et guirlandes de 


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fleurs, pendant à un mât élevé dans l'enceinte, et à réunir 
en divers groupes symétriques les couleurs des divers 
rubans. 

La quatrième partie fut le tournoi proprement dit. Aux 
deux extrémités de la lice furent placées deux tentes portant 
lPécu des deux tenants de la joûte. Un écuyer vint, au nom 
d’un chevalier, son maître, frapper trois fois l’écu de l’un 
des deux tenants qui accepta le défi. Les juges du tournoi 
examinèrent le blason du chevalier, puis s’étant placés en 
face de la tribune des dames, firent à haute voix lappel des 
deux rivaux. Ceux-ci se présentèrent, prirent place chacun 
à une extrémité de la lice et, au signal, ils s’élancèrent 
l’un contre l’autre et rompirent trois lances. Il en fut de 
même pour un autre chevalier qui porta un défi au second 
tenant du tournoi. Ensuite, il y eut une joûte des plus 
ardentes entre deux groupes de vingt chevaliers couverts 
de magnifiques armures de fer, armés d’épées et de lances 
émoussées et de massues en osier. La mêlée fut très inlé- 
ressantie et très pittoresque. 

La dernière partie de la fète fut l’assaut de la forteresse 
d'amour. Les dames, les damoiselles et leurs pages ayant 
quitté la tribune, avaient pris place aux fenètres du château. 
Les chevaliers, après avoir délilé devant elles avec leurs 
hommes d’armes, les sommèrent de se rendre. Sur leur refus, 
ils firent entrer dansla lice une troupe de cinq cents archers et 
arbalétriers, qui menaientavec eux trois catapultes, grandes 
machines de guerre dont les munitions étaient des fleurs ; les 
flèches des archers étaient aussi ornées de fleurs. D’innom- 
brables gerbes et bouquets furent lancés contre la forteresse. 
Les assiégées ripostant de mème el continuant à refuser de 
se rendre, les archers se réunirent par groupes, formèrent 
la tortue à l’aide de leurs boucliers, puis, saisissant de 
longues échelles, montèrent à l’assaut et enlevèrent les 
dames el les damoiselles que les chevaliers placèrent sur 
leurs chevaux. Le cortège fit ensuite le tour de l'enceinte 
aux applaudissements de tous les spectateurs. 


— & — 


Ayant déjà parlé plus haut des fêtes d'Anvers, nous ne 
dirons que quelques mots des cortèges du 14, du 16 et 
du 21 août 1892, dans lesquels a été représentée l’entrée en 
cette ville des Chambres de rhétorique qui avaient pris part 
au concours de poésie en l'année 1561. C'était encore une 
reconstitulion absolument exacte de ce qui s'était fait 1l y a 
plusieurs siècles. Des gravures de l’époque ont permis de 
se conformer, en 1892, à l’article du programme qui exigeait 
que les costumes, les emblèmes, les étendards, les chars. 
fussent semblables à ceux qui avaient figuré en 1561 : 
toutefois, les sujets représentés sur les chars étaient laissés 
au choix des sociétés, qui formaient dix-sept groupes, 
pourvu qu'ils fussent consacrés à des fails historiques anté- 
rieurs à 1561. | 

Tous ceux qui ont assisté à ces fêtes ont été unanimes à 
vanter la fidélité historique et la somptueuse richesse de ce 
cortège, dans lequel ont figuré deux mille personnages, 
dont cinq cents à cheval, et qui se développait sur une 
étendue de 1500 mètres. | 

Il nous reste à parler de la Marche historique qui a eu 
lieu à Lille le 9 octobre 1892. Cette date était celle d’un 
glorieux anniversaire. Le 8 octobre 1792, la ville de lulle, 
après avoir été bombardée pendant dix jours par les Autri- 
chiens, qui tiraient à boulets rouges, eut la gloire de voir 
l'étranger lever honteusement le siège. Ce fut un grand 
événement au point de vue de la défense nationale ; au lieu 
d'ouvrir ses portes, comme Longwy et Verdun, Lille 
avait résisté héroïquemont. 

Le centenaire de cette date glorieuse devait être célébré. 
Une Commission, formée sans distinction de partis et 
d'opinions politiques, fut chargée, sous la direction de son 
habile président M. Bigo-Danel, d'organiser une marche 
historique. Le Comité spécial auquel fut confié le soin de 
préparer le programme (1) se dit qu’il fallait faire choix, 


(1) Ce Comité special était formé de Mur. Dehaisnes et de MM. Clainpanain, 
Finot et Quarré-Recybourbon. 


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pour le cortège, d’un sujet offrant tout à la fois de l’unité et 
de la variété, permettant de graduer l'intérêt et de rappeler 
des faits relatifs à Lille et à la région qui l’environne : il 
proposa de représenter sept grandes époques de l’histoire 
de cette ville, dans chacune desquelles l’élément militaire 
pourrait trouver place; la vérilé historique devait être 
observée avec un soin minutieux; toute scène triviale, tout 
personnage bouffon devait ètre sévèrement écarté, afin de 
montrer les sept époques défilant devant la foule, avec la 
gravité de l’histoire qui se déroule à travers les siècles. 
‘ette proposition et le programme développé qui l’accom- 
pagnait furent adoptés : et grâce à l’union de tous, à 
l’activité des membres de la Commission, aux souscriptions 
particulières qui s’élevèrent à plus de 73,000 francs, aux 
sacrifices personnels d’un très grand nombre de figurants, 
à la générosité de l'Administration de la ville et du Conseil 
municipal, au concours de l’armée qui fut gracieusement 
accordé par le Ministre de la Guerre, il fut possible d’orga- 
niser en trois mois un immense cortège, qui se dévelop- 
pait sur une étendue de près de deux kilomètres, auquel 
prirent part environ 2500 personnes, dont plus de 800 à 
cheval, et pour lequel on fit une dépense de plus de 
400,000 francs. 

Nous ne ferons qu'indiquer sommairèment les sept 
époques dont il était formé. La première, VII* siècle, 
consacrée à la légende et au défrichement du sol, présentait 
un aspect à demi-barbare ; la seconde, XI° siècle, rappelait 
les véritables origines historiques de Lille, et offrait le 
caractère guerrier des chevaliers qui prirent part à la 
première croisade; dans la troisième, XIII siècle, les 
costumes étaient dignes de la première période du style 
ogival ; on remarquait dans la quatrième, XV® siècle, tout 
le luxe des ducs de Bourgogne; dans la cinquième, XVI 
siècle, la sévère magnificence de Charles-Quint et de ses 
successeurs ; et dans la sixième, XVII° siècle, l’élégante 
splendeur de la cour de Louis XIV. Ce qui dépassait tout le 


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reste, c'était la septième époque, 1792; formés de plus de 
900 hommes, dont les costumes rappelaient, avec une 
exactitude scrupuleuse, les uniformes des divers régiments 
en garnison à Lille et des canonniers lillois au moment du 
siège, ses divers groupes produisaient, par leur ensemble 
simple et grandiose, l'effet le plus puissant. 


En terminant ces pages, nous nous permeltrons de repro- 


duire les dernières lignes d’un compte rendu des Fêtes de 
Lille, écrit par un rédacteur du Journal des Débats, 
M. Gaston Deschamps. 


« L'initiative des particuliers, aidée par le concours des 
autorités civile el militaire, a toul fait, pour éviter, dans 
la difficile organisation de ces fêtes, le désordre et la 
banalité. Depuis M. Émile Bigo-Danel, dévoué président 
du Comité, jusqu'aux ouvriers qui ont quitté leurs labou- 
rages et métiers, pour contribuer à l’éclat du centenaire, 
tout le monde s’est efforcé de donner à cette commémo- 
ration un caractère de magnificence artistique, qui fût 
digne de répondre à l’amour-propre local et à l'attente 
des étrangers. Point de figurants payés, empruntés pour 
la circonstance à l’ Africaine ou à la Juive. Rien de cette 
friperie pseudo-historique, décrochée au vestiaire des 
bals de l'Opéra, que nous avons vue, dans les rues de 
Paris, sur lé dos des « précurseurs de la Révolution ». 
Un érudit connu par de beaux travaux sur l’histoire 
de l’art en Flandre a réglé minutieusement les délails 
des costumes et des armoiries. Un peintre de talent, 
M. Van Driesten, a passé des mois au cabinet des 
estampes, au musée d'artillerie, au musée de Cluny. 
Il a fait, d'après les modèles originaux, une série de 
quatre cents aquarelles, et l’on n’a rien épargné pour en 
donner au public la reproduction vivante. La flandre 
a toujours aimé les assemblées, les beaux cortèges, les 
processions, les pompes décoratives. Elle mel jusqu'en 
ses divertissements, une conscience, un sérieux, un 
goût de la richesse et de « la bonne qualilé » que l'on 


— À5 — 


retrouve dans toutes ses occupations... On ne peut 
s'empêcher de noter, à propos des fêtes de Lille, combien, 
dans ce pays, le passé tient au présent, et de conclure 
que la noble cité peut, sans commettre d’anachronisme, 
ressusciter son histoire locale, puisqu'elle a gardé, sous 
tous les costumes et sous tous les régimes, sa forte indi- 
vidualité, son goût du travail et son aptitudeà se défendre, 
l'amour de ses franchises, une ténacité robuste et une 
fermeté dans ses desseins, qui lui ont permis de conserver, 
malgré les exigences de la centralisation administrative 
et sa conscience profonde de l’unité nationale, un peu de 
cette allure originale et personnelle qu’avaient autrefois 
les villeslibres. » | 

Cette conclusion que M. Gaston Deschamps a cru pouvoir 


exprimer après avoir vu seulement les fèles de Lille, nous 
croyons avoir le droit de la faire sortir, à fortiori, pour 
l’ensemble de notre région, des pages que nous venons 
de consacrer à l’histoire et à l’art dans les Fêtes et les 
Cérémonies publiques aux Pays-Bas. | 


IL. 


VII. 


VIT. 


IX. 


TABLE DES MATIÈRES. 


. Douzième et treizième siècles. — Les processions de pénitence et 
les felos.JOYeUSeS is es des rit enr emo 
Quatorzième et quinzième siècles. — Fêtes et tournois donnés par 
les bourgeois, les seigneurs et les princes..................,... 
. Quinzième siècle. — La procession de Louvain............,..,,.. 
. Seizième siècle. — Entrée de Charles-Quint à Douai........... ie 
. Seizième siècle. — Concours entre les Chambres de rhétorique du 


Brabant à Anvers. — Représentation d'un mystère à Valenciennes. 


. Dix-septième siècle. — Entrée de Ferdinand d'Autriche à Anvers. 


— Fêtes à Douai, à l'occasion de l'assemblée provinciale des 
DOomini ainsi nid ia aa eiseeeesnen 
Dix-huitième siècle. — Les centenaires. — Le jubilé de 700 ans de 
la procession de saint Macaire, à Gand...................,..., 
Dix-neuvième siècle. — Les Incas à Valenciennes. — Fêtes au sujet 
du B. Charles-le-Bon, comte de Flandre, à Bruges.............. 
Dix-neuvième siècle. — Reproduction de fêtes anciennes à Bruxelles 
et à Anvers. — Le Centenaire de la levée du siège de Lille 


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